La réussite scolaire pour la connaissance | Beaucoup d’efforts sont déployés pour la réussite scolaire. Chacun met la main à la pâte : les professeurs, les services pédagogiques, les services psycho-sociaux, les directions, sans oublier les étudiants qui estiment souvent que l’important, c’est ce qui compte.
La consultation actuelle sur la « réussite scolaire » dans notre institution collégiale s’inscrit dans cette perspective : la bête noire à dompter est celle de l’échec et du décrochage.
Les consultations et leurs actions
Ce n’est pas la première consultation de ce type ni la dernière. C’est un exercice qu’on reproduit au fil des ans, avec plus ou moins d’ampleur.
Cette fois-ci, les travaux prennent une proportion considérable : les départements, les programmes, les services et les étudiants sont consultés; un document de réponse est à remplir, dans lequel on doit notamment choisir l’ordre de priorité entre 28 actions potentielles ciblées; tout sera colligé, analysé, interprété; le milieu se mettra en action de manière « concerté », d’où le titre de la consultation : Vers une stratégie concertée de soutien. Ce sera beaucoup de temps investi.
Y a-t-il quelque chose de neuf dans tout ceci? Considérant le bilan des années passées, où des initiatives de toutes sortes ont vu le jour, force est de constater que les gains sont à la marge. Il faut donc aujourd’hui recommencer l’exercice. La différence? Cette fois, le ministère de l’Enseignement supérieur injectera des sous (sommes non récurrentes), en espérant que le miracle se produise à peu de frais une fois pour toutes. On pourrait d’ailleurs observer une danse similaire au niveau secondaire…
La conception instrumentale de l’éducation
Mais la philosophie, voire la « formation générale », a toujours été critique envers ce type de démarche qui laisse entrevoir une conception instrumentale de l’éducation. À la question « pourquoi l’école? », on ne peut plus répondre « pour apprendre », « pour connaître » ou « pour se cultiver ».
C’est toujours un moyen pour une autre fin : des mesures pour que l’étudiant.e obtienne ses crédits ou de meilleures notes en vue de sa cote R; puis obtenir ses diplômes; finalement, pour se placer avec avantage, grâce à ses compétences, sur le marché du travail. L’école est donc utile pour autre chose; elle n’est jamais la priorité.
La philosophie, par contraste, peut se vanter d’être « inutile » en ce sens, parce qu’elle accorde une valeur à la connaissance en elle-même; le reste lui semble dériver de cette source. Cette posture de surplomb qu’elle adopte depuis sa naissance lui vaut en retour le reproche de ne pas être assez pragmatique. Le grief est en partie mérité. À bon droit peut-on sourire en s’imaginant un Thalès tombé dans un puits en contemplant le ciel, rire des philosophes qui s’évadent dans les nuages (le sujet des Nuées d’Aristophane) ou se moquer de la maladresse du savant auprès des gens ordinaires (la fin de l’allégorie de la caverne de Platon illustre cet enjeu à merveille) ?
Mais la philosophie est loin d’être insouciante. Elle n’affirme pas que l’excellence des résultats et l’obtention des diplômes sont sans importance. Je dirais qu’elle interprète la réussite scolaire différemment, à partir de la faculté première de connaître, qui fait la grandeur de l’être humain. Pour le philosophe – et pour beaucoup de professeurs qui le sont à leur manière – la réussite scolaire atteint son but chaque fois que la personne est transformée par le savoir, peu importe que ce savoir soit fondamental ou davantage technique. Cette métamorphose relève alors de la connaissance de soi. Cette dernière, j’insiste ici, n’exclut pas l’excellence et la diplomation, bien au contraire.
L’école est un privilège. Pour la réussite, peut-être devrait-elle miser davantage sur l’amour de la connaissance.